Ne pas s'étonner de la mise en page : au cours d'une vingtaine d'années, migrations successives obligées et plus ou moins problématiques ! Si les photographies ne sont pas visibles ci-dessous,
voir sur http://issuu.com/dominiquelaredo/docs/valrosepdf2013
Un Site d'Exception
Valrose : c'était le nom d'une des plus belles propriétés de la Riviera. C'est aujourd'hui le nom d'un Campus universitaire parmi les mieux situés de France, siège de l'Université Côte d'Azur et du Campus Sciences.
Son origine remonte aux années 1860 - 1870, en cette période du Second Empire où l'aristocratie russe et anglaise adopte la Côte d'Azur comme lieu de villégiature. Mais le bâtisseur de Valrose n'est pas un banal estivant. D'origine roturière bien qu'ennobli par le Tsar, le Baron Von Derwies est peu intégré à l'aristocratie russe qui réside autour de la Villa Bermond, résidence (aujourd'hui détruite) de la famille impériale. Il opte donc pour un site éloigné mais en hauteur (topographie presque symbolique?) : le "Vallon des roses", à la lisière de la Colline de Cimiez.
L'étudiant qui achète son sandwich près du portail et qui s'allonge sur la pelouse, ignore souvent qu'il emboîte le pas à des prédécesseurs illustres : la famille du Tsar Alexandre II, la princesse Dolgorouky-Yourewsky (épouse morganatique du Tsar), la reine Victoria ont aimé parcourir ces allées.
Le parc, que l'on traverse pour aller d'un amphithéâtre à l'autre, a été dessiné par Joseph Carlès, qui collabora avec Edouard André pour le tracé des Jardins du Casino de Monte-Carlo.
Le portail flanqué de deux tours monumentales, qui permet de rejoindre le boulevard de Cimiez, est dû à Marcel Biasini, l'architecte qui édifia sur ce même boulevard l'un des plus prestigieux palaces de la Côte d'Azur : le Regina, destiné à accueillir la reine Victoria et sa suite à partir de 1897. Entrée aristocratique s'il en est, celle du "'Château Valrose", plus simplement dénommé "Villa" en contre-bas.
Valrose concrétise la réussite d'un homme venu de Russie dans les années 1860 : le Baron Von Derwies s'était promis de se retirer au soleil, fortune faite, pour se consacrer à la musique. Et il tient sa promesse en faisant sortir de terre Parc, Château et salle de concert, en l'espace record de trois ans. L' un des architectes à qui l'on doit ce décor de contes de fées s'appelle (cela ne s'invente pas !) Grimm ?
Les Grandes Dates
1866 : le financier russe et Conseiller d'Etat Paul Von Derwies achète un domaine de 10 ha entre Brancolar et Cimiez au lieu-dit le " Vallon des roses " ou " Vallaurosa " (vallon venté)
1867 - 1870 : construction du Château de Valrose , confiée à l'architecte David Grimm assisté d'Antonio Crocci ainsi que d'Albert Bérenger pour le Petit Château (siège actuel de la direction du Campus Sciences) et de Bernardin Maraini pour les fausses ruines. La salle à manger est achevée en 1868. L'adjonction de la salle de concert est confiée au Russe Mikhaïl Makaroff en 1869. L'aménagement du parc est dévolu à Joseph Carlès, assisté de Wladimir Fabrikant. 800 ouvriers travaillent sur le chantier pour un coût de 11 millions de francs or de l'époque. Près de 100 domestiques et jardiniers assurent ensuite l'entretien du domaine.
1872 : transformation de la salle de concert en salle de théâtre, avec coulisses et machinerie en bois.
1873 (27 décembre) : concert d'inauguration avec la Symphonie en ut mineur de Beethoven.
1881 : l'architecte niçois Sébastien Marcel Biasini édifie l'entrée monumentale flanquée de tours, côté Cimiez, par laquelle passera fréquemment la reine Victoria lors de ses séjours à Nice
10 mars : réception en l'honneur du Grand-Duc Nicolas
15 juin : Véra, fille du baron Von Derwies, meurt à Bonn
17 juin : le baron succombe à une apoplexie dans le train qui le ramène à Nice. Dès novembre, son fils Serge envisage de vendre la propriété, qui sera délaissée pour le Château de Trevano, près de Lugano
Blason
des Von Derwies
(Salle des Actes)
1899 : la banque Von Derwies est déclarée en faillite
1903 : la baronne Véra Titz Von Derwies, âgée de 72 ans, meurt à Valrose
1910 : le fils aîné Paul Von Derwies est sur le point de céder Valrose à la Ville pour 1,6 million
Monogramme
de Simon Patino
(Salle des Actes)
1912 : le domaine est acheté pour 2,5 millions par trois banquiers russes, Alexis Poutiloff, Gregory Lessine et Alexis Ivanoff, qui gardent le décor intact
1920 : Simon Ituro Patino, le " roi de l'étain ", ambassadeur de Bolivie à Paris et riche collectionneur, achète le domaine pour 5 millions
P.V. Galland :
Minerve, déesse
de l'Intelligence,
des Techniques
et de la Raison,
1869
(Salle des Actes )
1943 - 1945 : le domaine, abandonné dès 1940 par Patino, est occupé par les Allemands
1957 : à la suite du décès de Patino, en 1947, un long procès débouche sur l'achat de Valrose par la Ville de Nice (pour 320 millions en 1961)
1965 : le domaine est rétrocédé à l'Etat (Ministère de l'Education Nationale) qui y installe le siège de l'Université de Nice et de la Faculté des Sciences .
1991 : le domaine de Valrose (bâtiments anciens, parcs, monuments) est classé Monument Historique par arrêté du 22 juillet 1991.
Parc et Château
sont classés M.H.
Entre 1872 et 1881, Valrose aura accueilli le gotha de toute une époque : famille du Tsar de Russie Alexandre II, altesses royales, divas et virtuoses.
Du Baron Von Derwies à Simon Patino
Armoiries
des Von Derwies
(façade Nord
du Château)
Blason décoratif
des Von Derwies
(Salon de musique)
Profil de femme
en médaillon
(détail du Salon
de Musique)
Paul Georgevitch Von Derwies (1825 - 1881)
Le Baron Von Derwies ?... Un personnage que n'auraient renié ni Balzac, ni Zola, ni Gogol. Car c'est bien là un personnage de comédie humaine, mâtiné d'esthétisme et de haute finance, confronté à un drame personnel.
Personnage au passé énigmatique et à la destinée fulgurante : simple professeur de piano chez un banquier russe qui l'initie aux arcanes de la spéculation, il se signale par la suite comme ingénieur, propriétaire des lignes de chemins de fer russes (celles du futur Transsibérien), banquier florissant et ami du Tsar Alexandre II... Ce baron d'origine balte (d'où le " Von ") paraît de noblesse trop peu ancienne pour la haute société russe, qui l'admet mal dans ses salons. Peu importe : le baron s'était promis de se retirer au soleil lorsque sa fortune serait faite et il tient parole dans les années 1870, alors qu'il n'a encore que quarante-cinq ans.
Il désigne Valrose à ses architectes et fait sortir de terre l'une des plus belles propriétés de la Riviera. Il y vit des saisons d'hiver dédiées à la musique, autant celles qu'il écoute en solitaire que celles dont il est lui-même le compositeur (comme Les Regrets ou La Comtesse de Lascaris), avec des affinités électives pour Beethoven et Rossini. Son blason de fantaisie, que l'on retrouve fréquemment dans l'ornementation du château, résume en partie le baron Von Derwies : un coeur surmonté d'un heaume ailé, lui-même sommé d'une étoile... Pour un homme de coeur né sous une bonne étoile ! Trois motifs sont d'ailleurs récurrents dans le répertoire décoratif de Valrose : l'étoile, symbole d'un idéal d'équilibre pour tout bon compagnon ; le chérubin, ou petit Eros, qui renvoie à la symbolique amoureuse ; un profil féminin en médaillon correspondant, soit à un idéal féminin d'après les canons classiques, soit à un profil réel mais qui n'est manifestement pas celui de la Baronne...
D'abord retiré et peu sociable, il finit par inviter à ses soirées musicales cette même haute société qui le tolérait si mal en d'autres lieux... Il se fait mécène et donateur, organisant à Valrose des concerts et des opéras de prestige qui rivalisent avec les meilleurs spectacles d'Europe. Il engage des cantatrices de renom et leur fait les honneurs de la véritable isba russe qu'il a fait venir d'Odessa par bateau... A la saison chaude, il migre avec épouse, enfants et musiciens dans une autre propriété fastueuse, aux balustrades de cristal et au parc en amphithéâtre, non loin de Lugano, en Suisse.
Tout pour être heureux ? Cet homme à l'abord glacial et au visage fermé, que l'on avait surnommé " Le Masque de Fer ", est un père affectueux. La mort prématurée de sa fille Véra en 1881, l'année même où le Tsar Alexandre II est tué dans un attentat, le frappe de plein fouet. Deux piliers de son existence disparaissent. Prémonition ou pas, avant de se rendre aux obsèques de sa fille, à Bonn, il rédige son testament. Il mourra d'une crise cardiaque dans le train du retour.
Son épouse et son fils cherchent très vite à vendre Valrose. La Reine Victoria, elle, songe à le louer mais son Trésorier lui conseille l'Hôtel Régina, moins onéreux. Trois banquiers russes finissent par acquérir Valrose, puis ensuite le milliardaire bolivien Simon Ituro Patino. L'installation de l'Université, en 1965, sauvera la propriété du lotissement et du démembrement par les promoteurs...
La muse Erato
(détail du vestibule
du Théâtre)
Pont sur le Lac
Le Kiosque du Lac
Valrose, classé Monument Historique depuis 1991, demeure aujourd'hui l'un des plus beaux sites de la Côte d'Azur : château resté quasiment intact, parc aux essences rares et servant encore d'étape écologique pour les oiseaux migrateurs, Campus parmi les mieux situés d'Europe.
En Valrose s'est accomplie la résolution du Baron Von Derwies...
" Il est temps de vivre la vie que tu t'es imaginée "
[Henry James ]
Madame la Baronne...
Deux portraits monumentaux, conservés au Musée des Beaux-Arts de Nice, témoignent de deux personnalités bien différenciées qui ont marqué Valrose, celles de Véra Von Derwies (1831 - 1903) née Titz par Alexandre Cabanel (1871) et de Madame Serge Von Derwies, sa belle - fille, par Benjamin - Constant (circa 1878).
1871 : le château de Valrose vient d'être terminé et constitue, avec son parc aux essences rares, l'une des propriétés les plus belles du Sud de la France. Véra Nicolaievna Titz, épouse du Baron Von Derwies, peut désormais y recevoir la société la plus titrée de la Riviera.
A. Cabanel :
Véra Von Derwies
(h/t, 1871) - Cliché
Musée des Beaux-Arts
de Nice
A. Cabanel :
Véra Von Derwies
(h/t, 1871) - Cliché
Musée des Beaux-Arts
de Nice
Alexandre Cabanel (1823 - 1889) lui, est au sommet de sa carrière, reconnu comme l'un des meilleurs peintres académiques de son époque, sollicité par les noms les plus prestigieux, reçu dans les meilleurs salons. Ses Vénus, Odalisques et autres Phèdre ont des bras blancs et des regards scrutateurs que l'on n'oublie pas. Il satisfait des commandes pour Napoléon III, Louis II de Bavière, le Tsar de Russie... Alexandre Cabanel est donc chargé de peindre le portrait de la Baronne Von Derwies.
Cette femme tournée de trois-quarts en tenue presque stricte, avec sa robe d'étoffe beige relevée d'un châle de mousseline, est-elle bien l'épouse de l'un des hommes les plus riches de Russie, ami et protégé du Tsar Alexandre II ? Est-ce donc là une femme qui vivra encore plus d'un quart de siècle, par-delà bien des remous ?
Cette femme tournée de trois-quarts en tenue presque stricte, avec sa robe d'étoffe beige relevée d'un châle de mousseline, est-elle bien l'épouse de l'un des hommes les plus riches de Russie, ami et protégé du Tsar Alexandre II ? Est-ce donc là une femme qui vivra encore plus d'un quart de siècle, par-delà bien des remous ?
Ce visage mince et singulièrement triste, d'une tristesse spectrale, se détache sur un fond sombre, un damas vermillon relevé de motifs jaune foncé et bordé sur la droite d'un pilastre de marbre noir ou plaqué d'ébène. Simples détails qui laissent toute la place à cette figure trop peu embellie pour ne pas être vraie. Et comme Cabanel ne pouvait pas se contenter d'un visage, il a peint en virtuose les effets de transparence de la mousseline. Ce n'est donc pas un portrait mondain, même si l'on sait que seule une femme de la haute société peut porter un tel clip en turquoise à son corsage et une si belle étoffe sur ses épaules. C'est le portrait d'un drame bourgeois que l'on devine derrière cette tristesse. Amertume, deuil, maladie ? Que faut-il donc deviner en 1871 derrière ce visage ? La baronne Von Derwies avait tout pour être heureuse et l'était donc si peu... comme si elle symbolisait, au pinacle de la réussite sociale, le prochain naufrage d'une vie, d'une famille et d'une fortune.
Benjamin-Constant : Madame
Serge Von Derwies
(h/t, c. 1878) - Cliché Musée des Beaux-Arts
de Nice
Cabanel avait pour habitude de recommander volontiers ses bons élèves. Il en a donc été probablement ainsi auprès du Baron pour Benjamin Constant (1845 - 1902), auteur de peintures murales pour la Sorbonne, l'Opéra-Comique et, surtout, portraitiste attitré de la bonne société anglaise.
Assurément, l'épouse de Serge Von Derwies ne s'inquiétait pas pour l'avenir. C'est bien de face, sereinement et avec un léger sourire de circonstance qu'elle pose pour Benjamin-Constant. En élégante à la taille bien prise, avec un riche sautoir en perles retenu par un clip de diamants, prête à recevoir ses hôtes de la soirée. Le grand bassin du château de Valrose, bordé de frondaisons, figure en arrière-plan et en contre-bas tandis qu'elle pose devant une balustrade en pierre ornée de motifs quadrilobés. Le peintre a composé ce décor à partir d'éléments distincts car une telle terrasse, surplombant le bassin, n'existe pas à Valrose. Les quadrilobes se retrouvent seulement sur la décoration faîtière qui somme la toiture du château et délimite un chemin courant. Rien à voir avec cette terrasse, où quelques feuilles à terre rappellent que l'on se trouve dans un parc un peu venteux...
Portrait monumental, typiquement mondain, bordé d'un cadre vert et or digne des fastes de la vieille Russie tsariste. Inutile de chercher là une autre expression que celle d'un luxe et d'une élégance de convention. Ce portrait est presque l'antithèse de celui de la baronne Von Derwies. Benjamin-Constant décrit une apparence ; Cabanel dépeint une réalité. De l'une à l'autre, il y a la force d'un peintre - et, sur fond d'opéra de Verdi, la force du destin...
Chasseur à l'affût
(en contre-bas des ruines)
Poutiloff, Ivanoff et Lessine
Trois noms qui semblent directement extraits d'une pièce de Tchékhov... Ce sont les patronymes de trois financiers russes qui avaient dû, en leur temps, envier quelque peu Von Derwies et, comme tout homme d'affaires témoin de la faillite de son semblable, surveiller le devenir de ses biens pour s'en porter acquéreur au moment opportun. Ainsi fut fait... En 1912, soit treize ans après la faillite de la banque Von Derwies, trois financiers russes, parmi les plus éminents, font donc l'acquisition de Valrose pour 2,5 millions, soit le quart de la valeur initiale du domaine. Il s'agit de Son Excellence Alexis Poutiloff, ancien sous-secrétaire d'Etat aux Finances, conseiller d'Etat et président du Conseil d'administration de la Banque russo-asiatique (mais non rattaché aux Usines Poutiloff) ; Grégoire Lessine, "citoyen d'honneur" et banquier ; Alexis Ivanoff, directeur de la Banque russo-asiatique.
Leur principal mérite consiste à préserver le domaine dans l'état d'origine, sans rien modifier dans l'ameublement ou l'agencement des jardins, confiés dès lors à Wladimir Fabrikant, ancien assistant de Joseph Carlès. De cette époque date sans doute le court de tennis que l'on relève sur un plan de 1913, à la hauteur de l'actuel bâtiment Dieudonné. Valrose traverse donc la Première Guerre mondiale sans autre dommage que d'accueillir des manifestations musicales, des fêtes de bienfaisance et quelques réfugiés. En 1920, soit huit ans plus tard, Simon Patino versera le double de la somme payée par Poutiloff, Ivanoff et Lessine pour acquérir Valrose.
Katia
Parmi les promeneuses de Valrose, il en est deux qui sortent pour le moins de l'ordinaire... Katia et Victoria.
La princesse Catherine Yourevski, née Dolgorouki (1847 - 1922) est restée célèbre sous le nom de Katia grâce au roman de la princesse Bibesco (Katia, le démon bleu du Tsar Alexandre) et à ses deux adaptations cinématographiques : celle de Jacques Tourneur (1938) avec Danielle Darrieux et John Loder, puis celle de Robert Siodmak (1959) avec Romy Schneider et Curd Jurgens. Katia, épouse morganatique du Tsar Alexandre II, a été l'une des plus prestigieuses habituées de Valrose.
Kiosque sur le Lac
Lorsqu'elle s'installe définitivement à Nice en 1891, dans la très belle Villa Georges (aujourd'hui détruite) du boulevard Dubouchage, la princesse Dolgorouki s'accompagne de tout un cortège de souvenirs et de nostalgie qui la suivra bien au-delà de la Révolution d'Octobre 1917, puisqu'elle s'éteindra le 15 février 1922 à l'âge de soixante-quinze ans, dernière Tsarine mais sans couronne.
Marie - Adélaïde
de Savoie
d'après Coysevox
(détail)
Son idylle avec le Tsar, de trente ans plus âgé qu'elle, avait débuté en 1864 lorsqu'elle n'avait alors que dix-sept ans. Leurs trois enfants n'on jamais été reconnus comme appartenant à la famille impériale, bien que le décès de l'impératrice Marie Alexandrovna, en 1880, ait permis un mariage morganatique. Mais Katia n'a pas eu le temps d'être couronnée impératrice... 1881 est aussi pour elle l'année d'un naufrage. Celui d'une belle histoire qui s'achève en couleur de deuil, pour cette élégante promeneuse qui arpentait les allées de Valrose en se rappelant qu'Alexandre II avait rêvé de se retirer avec elle sur la Côte d'Azur
Statue de Diane
au Bain sous les oliviers
Victoria
Cette vieille dame obèse qui se promène en " poneychair " traîné par un âne ? La reine de Grande-Bretagne et d'Irlande, impératrice des Indes.
Durant cinq années, entre mars 1895 et mai 1899, la reine Victoria (1837 - 1901) a en effet pris l'habitude de séjourner dans le quartier de Cimiez, Nice "station d'hiver" lui étant fortement recommandée par ses médecins. Elle descend initialement au Grand Hôtel de Cimiez, dans ce quartier excentré que les aristocrates anglais colonisent de plus en plus. La Villa Liserb, toute proche, est d'ailleurs louée par la princesse Béatrix, fille de Victoria.
La reine d'Angleterre se plaît suffisamment à Nice pour que les investisseurs de l'époque envisagent rapidement un projet d'envergure : bâtir un palace destiné à accueillir la reine et sa nombreuse suite. Ce sera donc le Regina (1895 - 1897), qui domine magnifiquement la colline de Cimiez et dont le bâtiment d'angle, surmonté de la couronne d'Angleterre, abrite les appartements particuliers de Victoria. L'architecte en est Marcel Biasini (1841 - 1913), maître d'ouvrage de plusieurs villas bourgeoises dont la Villa Les Palmiers (siège actuel des Archives Municipales), le bâtiment du Crédit Lyonnais (15, avenue Jean Médecin) et, bien sûr, la "sortie Cimiez" de Valrose. Cette sortie constitue en fait une entrée spectaculaire vers les sinuosités et les surprises architecturales du Parc, nichées dans une abondante verdure.
Deux ans à peine après le début des travaux, le Regina est en mesure d'accueillir Victoria. Il s'en faut néanmoins de peu que le grandiose édifice de Biasini soit délaissé pour Valrose... La reine Victoria en apprécie les oliviers et les ombrages, au point de faire savoir qu'elle serait prête à louer le Château. C'est la période, entre 1896 et 1899, où Paul Von Derwies et son épouse ne viennent à Valrose qu'en villégiature épisodique et peuvent donc satisfaire un désir si flatteur. Pourtant, à 20 000 F près (de l'époque), la richissime impératrice des Indes se privera de Valrose ! Paul Von Derwies demande 60 000 F pour six semaines, le Trésorier de la reine n'en propose que 40 000 F et finit par opter pour le Regina, "plus économique"... Ce marchandage, qui laisse pensif, ne masque vraisemblablement que des choix pré-établis en faveur du palace, plus approprié à la logistique des services d'ordre. A partir de Cimez, Victoria fait des visites et en reçoit... L'impératrice Eugénie (veuve de Napoléon III depuis 1873), la jeune reine Wilhelmine des Pays - Bas, le Président Félix Faure, et même un couple qui voyage rarement ensemble, l'empereur François - Joseph et son épouse Elisabeth, plus connue sous le nom de Sissi. Mais, sous les oliviers de Valrose, la reine Victoria n'a d'autre préoccupation diplomatique que de se faire servir une tasse de Darjeeling...
Salle des Actes
Salle des Actes
Simon Iturri Patino
Si le baron Von Derwies est un personnage de roman, Simon Patino (1860 - 1947) est, lui, un personnage de cinéma.
Petit métis bolivien, fils de savetier, il gagne laborieusement sa vie comme commis d'épicerie à Cochabamba. Il existe deux versions sur sa réussite soudaine. Selon la première version, son patron le somme de récupérer les 195 pesos dont il a fait crédit à un chercheur d'or. Simon part à dos de mulet et retrouve le prospecteur qui, en échange de sa dette, lui cède une concession de mine. L'épicier ne s'en contente pas et prélève les 195 pesos sur les gages du pauvre Patino tout en lui abandonnant la concession. Que révèle-t-elle ? Non pas de l'or mais de l'étain. Sept ans durant, Patino se privera de tout pour acquérir le maximum de concessions et devenir producteur d'étain. Deuxième version : il est employé dans un grand magasin lorsqu'il fournit à un prospecteur d'étain l'équivalent de dix semaines de son salaire en dynamite, mais sans autre succès que de recevoir une concession de terrain perdue sur les hauts plateaux des Andes. Laquelle deviendra le point de départ de son ascension vers la fortune.
Le fait est que Patino doit sa richesse à une main-mise progressive sur la production mondiale d'étain, au point d'être surnommé " le roi de l'étain " dans les années 20. Attiré par les honneurs et la vie mondaine, il devient ambassadeur de Bolivie à Madrid puis à Paris, constitue une brillante collection d'oeuvres d'art, marie l'une de ses filles à un prince de Bourbon, fait bâtir à Cochabamba un château qu'il n'habitera jamais et, accessoirement, achète Valrose en 1920.
Tout comme les trois financiers russes, il préserve le décor initial , en se limitant à rajouter son monogramme dans le grand salon de réception (dit " Salle des Actes ") et son nom à l'entrée de la propriété. Les " Années Folles " ne valent à Valrose d'autres folies que celles de soirées " champagne et caviar " jusque vers les années 40.
L'occupation allemande n'occasionne, heureusement, ni pillage grave ni saccages. Là encore, la bonne étoile du baron Von Derwies veille sur Valrose...
Vue du Petit Salon
du Château
Architecture
Les 3 principaux bâtiments classés monuments historiques en 1991 sont :
Le Château
Il a été conçu dans un esprit indéniablement nordique et dans un style composite conforme aux goûts de l'époque. Massif, bâti en gros blocs de pierre blanche (tuffeau) qui ont parfaitement résisté aux secousses sismiques de 1887, couvert d'une toiture très pentue en ardoise à écailles de poisson et percée de lucarnes très allongées, c'est un château des régions froides implanté au coeur du Sud.
Façade Nord du Château (détail)
Cette dissociation Nord/Sud se répercute dans l'agencement du parc par rapport au Château : l'escalier monumental dominant les anciens parterres à la française n'est relié au Château que par des sentiers... L'articulation architecturale est notoirement délaissée au profit d'une simple juxtaposition, château germanisant et parc méditerranéen. Négligence dans la conception initiale ? Rajouts mal maîtrisés ? A l'instar des demeures nordiques, le Château est peu ouvert sur l'extérieur et domine le parc au sens littéral du terme, sans ménager d'autre point de vue que celui d'une terrasse sans liaison directe avec l'intérieur du château.
Terrasse du Château
Le style architectural ? On peut parler de néo-gothique anglais mâtiné de Moyen Age français et de Renaissance italienne, dans un esprit germanisant que n'aurait pas renié Louis II de Bavière (la construction de Neuschwanstein a débuté en 1869)... David Grimm, architecte d'origine balte ayant déjà travaillé pour le Baron, n'a eu donc guère de difficultés à répondre aux aspirations de son commanditaire, résolu à faire côtoyer pierre du Val de Loire, palmiers, cèdres et sapins sous le soleil de Nice.
Le style troubadour, hérité de la période romantique, s'adjoint les apports décoratifs fin de siècle (vases, garde-fous, marquises, fontaines, lanternes, porte-lumières en bronze). L'entrée du Château est surmontée d'un spectaculaire arc Tudor percé de trois baies aux arcs trilobés. Au-dessus figure le blason très emblématique du Baron Von Derwies, que l'on retrouve à de nombreuses reprises dans le décor de Valrose : un coeur surmonté d'un heaume ailé, lui-même sommé d'une étoile... Au premier étage, une vaste enfilade de salons ressuscite les fastes de la Russie Impériale (Grand Salon, actuelle Salle des Actes ; Petit Salon, actuel Bureau de la Présidente de l'Université de Nice ; Salon de Musique, actuel espace Bureaux).
Au-dessus du Théâtre, les baies orientalisantes se découpant sur le ciel constituent une allusion aux origines géographiques de la fortune Von Derwies : la jonction avec les terres d'Orient par voies de chemin de fer - celles du futur Transsibérien (construit entre 1891 et 1916 pour relier Moscou à Vladivostok).
Façade Sud du Château
Entrée du Château
Toiture du Théâtre
Le Petit Château
Bâtiment tout en longueur, composite et sans caractère bien marqué, il relève plutôt de la simple demeure bourgeoise. Un balcon en ferronnerie court le long de la façade, coiffée de mansardes elles-mêmes recouvertes d'ardoises en écailles de poisson. Le résultat est peu heureux, comme si l'architecte (Bérenger pour l'essentiel) n'avait pas su à quel parti se rallier, l'idée initiale étant de situer les écuries au rez-de-chaussée... Plus réussi, l'effort décoratif porte sur la cage d'escalier et sur le salon d'honneur, dit " Salle Von Derwies ", où les hôtes de marque (cantatrices et virtuoses pour la plupart) pouvaient répéter en toute quiétude.
Vue du Petit Château
Une isba
sous les oliviers...
L'Isba
C'est sans doute l'une des plus rares (sinon la seule...) isba authentique et en parfait état que l'on puisse contempler en France. Depuis l'un des domaines ukrainiens du Baron, près de Kiev, elle a été transportée en pièces détachées par la Volga jusqu'à Odessa, puis par mer. Pièces de bois, ferrures, clous, tout a été remonté avec le soin que l'on devait à cette isba de belle taille, toute en rondins de sapin et en bois ouvragé (volets, plafond, encadrements de portes...). Courant en frises sur les parois extérieures et intérieures, des proverbes en alphabet cyrillique s'adressent aux bons vivants : " Bière n'est point nectar, hydromel point ambroisie quand l'amour en douceur les surpasse "... " Plus riche, plus content, contente-toi de ce que tu possèdes ". - Ce très bel exemple d'isba russe possède la particularité d'avoir, non pas un toit de chaume comme c'était l'usage, mais une couverture en ardoise à écailles de poisson.
Une belle allée de palmiers y conduit depuis le " Petit Château ", d'où le Baron engageait ses visiteuses à venir visiter ce charmant endroit...
L'Entrée Cimiez
Bien que postérieure à la construction du Château, les deux tours conçues par l'architecte niçois Biasini en sont néanmoins le rappel : pierre blanche (en plus petit appareil), hautes lucarnes, toit pentu, balustrades en fonte quadrilobée. Elles ont fait (et font encore) office de prestigieuse conciergerie !
L' entrée de Valrose,
côté Cimiez
Un escalier dérobé à été aménagé dans la paroi rocheuse, de manière à relier plus rapidement l'avenue Prince de Galles (raccourci pittoresque, désormais fermé pour raison de sécurité). Biasini a été le maître d'oeuvre de l'Hôtel Regina, tout proche, destiné à accueillir la Reine Victoria et sa suite ; il a manifestement conçu cette monumentale entrée à la fois comme celle de Valrose et comme celle du quartier Cimiez / Regina. Cette " Entrée Cimiez " concorde donc avec l'essor de ce quartier ainsi qu'avec la réception en grande pompe du Grand-Duc Nicolas le 10 mars 1881 et, plus tardivement, la venue de la Reine d'Angleterre, qui aimait à se promener sous les ombrages de Valrose.
Les fausses ruines
Les fausses ruines
Peu éloignées du Château, juchées sur une grotte artificielle agrémentée d'une cascade, elles constituaient l'un de ces buts de promenade chers au Baron et à ses hôtes. L'architecte Maraini, assisté du sculpteur Trabucco pour les bas-reliefs (représentant entre autres le Char d'Apollon), a été chargé de s'inspirer des ruines d'un temple romain. Initialement, l'intérieur abritait une pièce carrée éclairée par des vitres jaunes lui donnant " un petit air Dôme des Invalides ".
Les communs
Comme tout grand domaine, Valrose possédait des écuries, des remises et des bâtiments destinés à loger intendant et personnel de service. D'une architecture simplifiée mais toujours soignée, ils se situent en prolongement et en contre-bas des fausses ruines (secteur actuel Infirmerie et Foyer Etudiant).
Statuaire
Le parc de Valrose était initialement agencé en une succession de jardins " à la française ", " à l'anglaise ", à " l'italienne ", avec des espaces réservés aux plantes odorantes, exotiques, etc., auxquels s'ajoutaient palmeraie et oliveraie. La promenade dans ces " jardins d'Eden " se devait d'être enrichie d'agréments esthétiques : statues, fausses ruines dans le goût romantique et même grotte artificielle... A la création paysagiste de Joseph Carlès s'est donc rajouté l'apport ornemental du russe Wladimir Fabrikant, qui s'est occupé de reproduire plusieurs statues dont les originaux se trouvent à Versailles et au Louvre, et qui renvoient pour certaines au répertoire conventionnel de la mythologie antique.
On trouve ainsi au bas du grand escalier, qui dominait les parterres à la française, les reproductions de :
- Marie-Adélaïde de Savoie en Diane, accompagnée d'un chérubin d'après Antoine Coysevox (1640-1720), malheureusement très mutilée
- Marie Leczinska en Junon, escortée de son chien d'après Guillaume Coustou l'Ancien (1677-1746) - Louis XIV en souverain victorieux
- un Romain drapé à l'antique (dû à V.F. Cavaroc)
- quatre Lionnes de Némée en bronze, dues au maître fondeur parisien J. J. Dugel. Elles font référence au lion que tua Hercule en Argolide
Sous le kiosque au bord du grand bassin (surnommé " Le Lac "), on trouve :
La chèvre Amalthée et la nymphe Mélissa, en fonte, d'après Pierre Julien (1731-1804).
Pierre Julien, qui passa cinq années en Italie après avoir remporté le Prix de Rome en 1768, a tiré profit des modèles de l'antiquité romaine pour exécuter ce qui est considéré comme son chef-d'oeuvre : La Chèvre Amalthée ou La Jeune Fille à la Chèvre (c.1787), seul élément intact d'un ensemble de sculptures ornant à l'origine la Laiterie du Château de Rambouillet. Amalthée est la chèvre qui nourrit Jupiter ; l'une de ses cornes devint la corne d'abondance. Mélissa, prêtresse de Déméter, déesse de la terre cultivée, périt lapidée par ses voisines, à qui elle refusait de révéler les secrets de son initiation. De son cadavre, Déméter fit naître un essaim d'abeilles. Une telle allégorie renvoie à la nature prolifique, incarnée par une séduisante jeune femme qui répondait très probablement à l'idéal féminin du Baron Von Derwies. C'est également la chèvre Amalthée, penchée sur une ruche, qui surmonte l'entrée actuelle du Théâtre. Vue de la cour du Château et à contre-jour, Amalthée évoque étonnamment le bouc du sabbat satanique ... peut-être pour surprendre les invités du Baron, les soirs de pleine lune !
Non loin de la grotte consacrée à Bacchus (ancienne Cave à Vins du Château), un Chasseur à l'affût en bronze, avec ses deux chiens à ses côtés, tend l'oreille... . Derrière lui subsiste une grotte artificielle ornée de stalactites, aujourd'hui condamnée pour raison de sécurité.
Serge et Véra
Von Derwies
par G.B. Trabucco
Au pied de l'escalier à double volée menant au Château, un groupe sculpté dans une niche, et dû au turinois Giovanni-Battista Trabucco, représente Serge et Véra Von Derwies enfants.
Au caractère descriptif et souriant de la scène - deux enfants de la riche bourgeoisie observent des oisillons extraits d'un nid - s'ajoute l'habileté de la facture, qui font de ce groupe en pierre l'une des meilleures réussites de Valrose. Un Buste de Serge Von Derwies, également dû à Trabucco, est conservé sur un palier d'escalier des anciennes loges d'artistes.
Proche de l'oliveraie (au niveau actuel de la Bibliothèque Universitaire), une Vénus au Bain occupe le centre d'un petit bassin circulaire.
Il s'agit plus précisément de La Baigneuse d'après Etienne Falconet (1716 - 1791) dont l'original en marbre, conservé au Musée du Louvre, date de 1757 et fit partie des collections de Madame Du Barry. Ce modèle de Baigneuse, devenue symbolique du style de Falconet (auteur également de la célèbre statue de Pierre le Grand, place de l'Amirauté à Saint - Pétersbourg), a été largement diffusé par les biscuits de Sèvres.
Une réplique similaire à celle de Valrose se trouve dans le parc de la très riche demeure (actuel Centre pédagogique et Culturel S. Patino) que fit édifier Simon Patino à Cochabamba, en Bolivie, entre 1915 et 1927 - alors qu'il était justement propriétaire de Valrose depuis 1920.
En se dirigeant vers le " Petit Château ", au niveau inférieur du parc, on aperçoit sous les ombrages un Cheval en bronze, quasiment grandeur nature, inspiré d'une oeuvre du prince Paul Troubetzkoï (1866 -1938), émule de Rodin.
Cheval
d'après P. Troubetzkoï, fonte
Sphinge
accompagnée d'Eros, pierre et fonte
Bien éloignées du modernisme de TroubetzkoÏ, deux Sphinges en pierre chevauchées par un Eros en fonte encadrent le portail d'entrée côté Cimiez. L'original de ces Sphinges orne les abords gauches du Petit Pavillon des Jardins de Bagatelle.
A proximité des bâtiments de Chimie, une statue contemporaine (datant de l'inauguration de l'Université, en vertu du 1% dédié à la commande publique) représente le Génie ailé de la Chimie tenant un réseau de molécules par De Crozals.
A l'entrée du parc (côté Valrose, en prolongement du pavillon d'accueil), on remarque un Chien sur son piédestal ... qui peut être considéré de prime abord comme un chien aboyant à l'arrivée des visiteurs. Ambiguïté visuelle plus ou moins délibérée car, en contournant la statue, on s'aperçoit qu'il s'agit d'un véritable groupe sculpté dans l'albâtre, très proche de la statuaire funéraire par son format et sa conception : le chien secouriste hurle à la mort car une fillette en capuche gît allongée dans la neige, sa pile de cahiers à proximité. Ce groupe est signé d'un statuaire parisien établi 10, rue de la Paix : V. F. Cavaroc.
Le Génie ailé de laChimie tenant un réseau de molécules
par De Crozals
Chien hurlant par V.F. Cavaroc, marbre
Deux bassins ornés de sculptures en fonte agrémentent le Parc :
- le premier, dans l'axe d'une ancienne gloriette, est au centre d'un quadrilatère formé par quatre vases Médicis en pierre richement sculptée, à anses en cornes de bélier. Un cygne entouré de cinq Néréides (nymphes peuplant les mers et que l'on peut apparenter aux sirènes) constitue le sujet principal. On peut logiquement rattacher ce cygne au mythe de Léda, quand on sait que celle-ci se transforma en poisson puis en oie sauvage pour échapper aux poursuites amoureuses de Zeus, lequel se métamorphosa en cygne pour arriver à ses fins... De leur union naquirent Castor et Pollux, qui sont notamment les dieux de l'hospitalité. Les vases Médicis sont ornés de frises renvoyant à des modèles de vases antiques. Ces frises illustrent les amours d'Amphitrite et de Poséidon, dieu de la mer qui règne aussi sur les eaux douces et sur les Néréides. En fait d'eau douce, un bassin surmonté d'un curieux motif stylisé, inspiré par les chapiteaux à fleurs de lotus, était abrité dans une niche profonde, au-dessous de la gloriette, parallèle au bassin.
Bassin au Cygne
Vase orné
des Amours d'Amphitrite
et de Poséidon, pierre
- le second bassin, ou Bassin aux Nénuphars, se situe exactement dans l'axe du Château et s'orne conventionnellement de cinq chérubins potelés.
Une fontaine en fonte agrémentait la terrasse belvédère parallèle à la façade Nord du Château, avant que la chute récente d'un arbre ne vienne l'endommager.
Les mêmes sujets mythologiques (cygne de Léda, Poséidon et Amphitrite, Castor et Pollux, Vénus entourée de petits Cupidons) se retrouvent par ailleurs dans la décoration peinte et stuquée du Château, ce qui établit tout un subtil jeu de renvois entre l'ornementation intérieure et extérieure de Valrose.
Dans un souci manifeste de jeu de perspectives, on retrouve plusieurs vases (ou cratères) géants en fonte couronnant la toiture du Théâtre, et l'initiale "D" de Derwies, en façade Nord comme en façade Sud. Sur cette dernière s'inscrit une superposition complexe : vase en pierre dans une niche cantonnée de deux colonnettes, surmonté d'une étoile et de l'initiale "D", eux-mêmes surmontés d'une statue de nymphe s'encadrant dans une baie orientalisante et sommée d'un cratère. Symétriquement, la même superposition est surmontée cette fois d'une statue d'empereur romain, reconnaissable à sa toge et à sa couronne de lauriers... Peut-être César faisant alors le pendant d'une Cléopâtre romanisée, telle qu'elle était fréquemment figurée à la fin du XIXème siècle.
Pierre, marbre et fonte s'allient aux sujets mythologiques et animaliers pour composer une statuaire ornementale allusive, dont le Baron était peut-être seul à pouvoir commenter toutes les subtilités auprès de ses hôtes...
Façade Nord
du Théâtre
Façade Sud
du Théâtre
Décoration intérieure
Si l'extérieur du Château emprunte pour l'essentiel au Moyen-Age, l'intérieur fait référence pour sa part à un XVIIIème siècle rococo mis au goût du XIXème L'opulence de l'ornementation (ors, stucs, marbres, lambris, peintures, bronzes) renvoie aux conventions décoratives des grandes demeures de l'aristocratie.
Des réminiscences néo- classiques tendent à rappeler le décor des salons de Saint-Pétersbourg. Le premier étage, dit " étage noble ", a conservé un décor quasiment intact.
La cage d'escalier du Château
A gauche d'un hall habillé de miroirs, on accède à un escalier de marbre aux ferronneries travaillées d'acanthes et de pampres. Rampe, candélabres, médaillons, plafond richement orné d'entrelacs et de rosaces, sont une ré-interprétation du style rocaille Louis XV. D'une largeur relativement étroite par rapport aux proportions que laisse supposer l'extérieur du Château, cet escalier conduit aux salons de réception du premier étage.
Porte-lumières
Les salons de réception - La " Salle des Actes "
L'actuelle " Salle des Actes ", où se déroulent les Conseils d'Université, correspond à l'ancien Grand Salon. Le " Petit Salon " (actuel bureau de la Présidente) et l'ancien " Salon de Musique " (reconverti en espace bureaux) constituaient une superbe enfilade en façade Sud.
Même s'il possède des éléments communs avec les deux salons contigus (parquet marqueté, stucs blancs et dorés, pilastres corinthiens, vastes miroirs cintrés, trumeaux, portes richement décorées à double battant), le Grand Salon constitue véritablement la pièce maîtresse du Château. A l'égal d'un foyer de théâtre, son plafond s'orne d'une spectaculaire allégorie due à un peintre qui travailla pour l'Hôtel de Ville de Paris, le Palais de Saint-Cloud, le Palais du Prince Narychkine à Moscou : Pierre-Victor Galland (1822 - 1892). Il s'agit ici d'Uranie, muse de l'astronomie, et Erato, muse de la musique (1869). La couronne de lauriers brandie par Erato était (fortuitement !) annonciatrice des lauriers universitaires ... Raffinement fortuit, là aussi, d'une muse destinée à surplomber les Conseils universitaires, tout en brandissant une sphère armillaire, symbole prédestiné pour un Campus Sciences ! Autre symbole qui ne doit rien au hasard : la couronne d'étoiles d'Uranie renvoie à la course des astres et à cette fameuse étoile chère au Baron, que l'on remarque sur le phylactère déployé par le chérubin au-dessus d'Euterpe, accompagnée des mots sybillins : "Un jour"... C'est en peintre précurseur du dessin ornemental de plantes (développé plus tard par Guimard et Horta) que P. V. Galland a mis en relief le rameau d'olivier aux côtés de la lyre d'Euterpe - l'olivier, symbole antique de la paix, plus prosaïquement rattaché à l'or et à l'amour pendant le Moyen-Age.
Cette allégorie est prolongée à ses deux extrémités par deux médaillons en grisaille représentant le mythe d'Amphitrite et de Poséidon, que l'on retrouve sur les vases entourant le Bassin aux Cygnes. La cheminée en marbre, avec sa lourde ornementation de guirlandes et de chérubins ardemment enlacés, symbolise un décor qui entend concilier opulence notoire et grâce souriante.
Chérubins
du Salon de Musique
L'ancien Salon de Musique,
Finement décoré de stucs et de dorures, comporte à l'Est une partie en exèdre percée de trois baies cintrées. Le plafond en rotonde est superbement orné de médaillons avec des chérubins musiciens en haut relief . Malgré le caractère profane d'une telle décoration, cette partie du salon a rempli occasionnellement les fonctions de chapelle.
Le Petit Salon
Situé en parallèle du Salon de Musique et à la suite du Grand Salon, frappe par la répétition du même profil de femme en médaillon, soit une douzaine de fois...Par une décoration soignée où l'on retrouve guirlandes, chérubins, symboles musicaux (tel un violon dans l'écoinçon du plafond), cheminée à cariatides et trumeaux, tout concourt à faire de ce salon un cadre lumineux et raffiné.
La fameuse étoile du Baron y serait-elle absente? Non... elle apparaît dans les motifs géométriques du parquet.
En prolongement du Petit Salon et donc à l'extrémité sud-ouest de cette enfilade se trouve l'ancien Bureau du Baron Von Derwies (bureau actuel du Secrétaire Général). Il conserve un imposant décor de boiseries, avec cheminée et cariatides en bois, lambris, plafond à caissons. Le "D" de Derwies surmonte la baie ouverte sur le soleil couchant et le rivage maritime, au loin. Les cariatides en bois évoquent d'ailleurs des figures de proue, telles que pouvait les apprécier un homme qui avait beaucoup voyagé pour arriver à bon port...
Miroir trumeau
à cariatides
Le Théâtre
La salle de Concert, reconvertie en salle de Théâtre deux ans après son achèvement, pouvait accueillir 300 à 400 spectateurs. Sa reconversion actuelle en salle de cours, avec estrade et faux plafond, ne doit pas faire oublier qu'elle était destinée à satisfaire les mélomanes les plus exigeants, dont le Baron Von Derwies en premier lieu.
Il existe deux accès principaux : par la cour du Château et le couloir débouchant sur la salle elle-même (entrée actuelle, datée 1869), mais surtout par la grande porte extérieure située en prolongement de la terrasse panoramique (face à la BU). Il s'agissait à l'origine d'une véritable entrée d'honneur, avec tapis rouge et laquais habillés à la mode Louis XV. Malgré ses petites dimensions, le vestibule du Théâtre constitue une véritable pièce d'apparat par sa luxueuse ornementation stuquée, annonciatrice d'une salle de Théâtre propre à susciter l'admiration... A l'égal d'un prologue d'opéra, il donne la tonalité d'ensemble : vastes miroirs, double porte monumentale ornées notamment de la symbolique propre au Baron Von Derwies (étoile, coeur, heaume ailé), surmontée d'un cygne aux ailes déployées (le cygne de Lohengrin plus que celui de Léda) , plafond orné d'un vaste médaillon représentant la muse Erato jouant de la harpe près d'un chérubin , dans des tons pastels rose, bleu et crème similaires à ceux du plafond de la loge du Baron. Le spectacle commençait entre ces portes lorsque l'on annonçait d'une voix solennelle : " Son Altesse... "
David Grimm, architecte
Au bas du très large escalier de marbre, les portraits en médaillon d'albâtre des architectes Grimm et Makharov font les honneurs d'une salle de concert reconvertie en salle d'opéra dès 1873. Cet espace rectangulaire de 200 m² alliait l'intimité d'une salle privée aux qualités acoustiques et techniques d'une véritable salle de spectacle. Les machineries en bois et les cintres à décor comptaient parmi les plus perfectionnés de l'époque et constituent aujourd'hui encore un exemple d'autant plus rarissime que l'ensemble est demeuré dans l'état d'origine. La cage de scène, restaurée depuis peu, est désormais reconvertie en espace d'exposition.
A l'exemple de l'Opéra de Bayreuth, l'orchestre (de 35 à 50 exécutants) pouvait prendre place dans une fosse aménagée sous la scène. L'unique loge, accessible depuis l'extérieur, était réservée aux Von Derwies. Cette loge, dont le plafond s'arrondit en coupole, a conservé son décor peint d'époque, divisé en panneaux initialement tendus de velours bleu. Les préférences musicales du Baron sont clairement symbolisées par les deux visages en médaillon situées sous la loge : Rossini et Beethoven... Des visages féminins moins reconnaissables, mais que l'on peut probablement attribuer à des cantatrices alors célèbres, ornent également les murs. Un décor de stucs, avec chérubins, instruments de musique et volatiles, rompt la monotonie des murs, percés de larges baies aux vitres dépolies et sérigraphiées.
Porte du Théâtre, détail
Détail du plafond
Le Petit Château
Avec ses panneaux peints de paysages et de bouquets, ses vastes miroirs en trumeaux encadrés de pilastres et ses chérubins en haut-relief placés dans les écoinçons du plafond, la cage d'escalier possède un caractère très décoratif annonciateur de la " Belle Epoque "... On ne peut s'empêcher de penser qu'une telle cage d'escalier, relevée d'une balustrade à larges volutes, a été prévue pour que des élégantes se mirent complaisamment avant de rejoindre leurs appartements attitrés. On sait notamment que " la " Dumbar-Schultz, célèbre prima donna de l'époque, a passé toute une saison à Valrose et figurait parmi les principaux légataires du Baron.
A l'étage, la " Salle Von Derwies " conserve un décor de lambris de bois et une double porte à balustres qui témoignent à la fois d'un travail très soigné d'ébénisterie et d'une recherche d'acoustique, propice aux vocalises.
Le passé musical
Porte et escalier d'honneur du Théâtre
A la fois mélomane et compositeur de musique, le Baron Von Derwies a eu les moyens de constituer un véritable orchestre et d'organiser des représentations dignes des meilleures salles d'opéra, entre 1875 et 1881. Principale trace du passé musical de Valrose : le Théâtre jouxtant le Château et reconverti épisodiquement en salle de cours ou salle d'examens avant d'être transformé en salles de conférences.
Façade Sud du Théâtre
En revenant du Restau U ou en faisant une pause-cigarette hors de la BU, les étudiants font face à un bâtiment orientalisant et faisant corps avec le Château. Cette grande porte cintrée à double vantail faisant face à la BU a été, dans les années 1880, l'entrée d'honneur d'une salle d'opéra parmi les plus réputées de France.
Bâtisseur de château néo-gothique et de fausses grottes, amateur de statues versaillaises et de musique écoutée en solitaire, le Baron Von Derwies a poussé les affinités avec Louis II de Bavière jusqu'à contacter Richard Wagner... Et c'est d'après les conseils de Wagner qu'il a recruté Joseph Hasselmans pour diriger un orchestre de 35 à 50 musiciens installés dans une fosse, d'après le modèle de l'Opéra de Bayreuth. Autre hommage à Wagner et autre affinité avec Louis II : le Cygne qui déploie ses ailes au-dessus de la porte d'honneur du Théâtre, et que l'on peut très logiquement associer à Lohengrin. Cet opéra, composé en 1850, sera interprété pour la première fois à Nice le 29 mars 1881, au Cercle de la Méditerranée. Le même jour, le Cygne de Valrose sera le symbole d'un dernier chant, dédié au Tsar Alexandre II.
Décor de la porte d'honneur du Théâtre
Rossini et Beethoven
en médaillons de stuc
Les goûts musicaux du Baron Von Derwies l'incitent à concevoir des programmations variées et mûrement réfléchies, mettant à l'honneur des compositeurs contemporains (Glinka, Saint-Saëns, Bizet, Verdi, Wagner), sans exclure les maîtres de la musique classique (Bach, Haendel, Beethoven). Ouvrant progressivement les portes du Théâtre, réaménagé en salle d'opéra en 1878, le Baron multiplie les concerts et matinées musicales, à raison de trois représentations hebdomadaires ! Valrose devient véritablement un haut lieu de la vie musicale, telle que peuvent l'apprécier à Nice ceux-là même qui fréquentent à Paris l'Opéra Garnier ou les Concerts Colonne.
Peu enclin à partager ses plaisirs musicaux, le Baron Von Derwies répartit ses représentations : tantôt il y assiste seul (le Théâtre ne possède qu'une seule loge : celle du Baron), tantôt son épouse est chargée de recevoir les invités lors des fréquents concerts de bienfaisance, tantôt il se fait l'hôte de soirées fastueuses laissant un souvenir ébloui aux chroniqueurs de l'époque... Il organise ainsi en 1879 la première représentation en France de l'Opéra de Glinka, Une vie pour le Tzar, il fait appel au costumier de l'Opéra de Paris (la fameuse Baron), il invite grands artistes lyriques et musiciens célèbres de l'époque : Adelina Patti ("La Patti" comme on a dit "La Callas"), Tiberini, Jules Petit, le violoniste Joseph Joachim, le pianiste Francis Planté, le compositeur Ambroise Thomas. Il engage, de manière attitrée, "La" Dumbar Schultze et en fera l'une de ses légataires. Cantatrices et chanteurs renommés sont hébergés dans le "Petit Château", siège actuel de la direction du campus Sciences et faisant face au "Grand Château", siège de la Présidence d'Université. La "Salle Von Derwies" conserve des lambris et une atmosphère intimiste qui étaient propices aux répétitions d'artistes, entre conversations de salon et mondanités.
La muse Erato Plafond du vestibule du Théâtre
Fortune faite, Paul Von Derwies n'oublie pas qu'il a été initialement maître de piano, tandis que son frère Nicolas a délaissé la carrière militaire pour développer ses dons de ténor. Il forme avec succès ses trois enfants : Véra chante, Serge joue du piano (récital en public le 19 avril 1879 et le 5 avril 1881, alors qu'il est devenu l'élève de Charles Delioux de Savignac), Paul compose (sa Rêverie Valse sera interprétée au Cercle de la Méditerranée par les choeurs de l'Eglise russe, le 19 mars 1898). Le Baron lui-même compose de la musique, avec une sensibilité qui le rapproche de l'Ecole romantique allemande, de Schubert et Mendelssohn. En 1878, il dédie à sa fille une complainte en trois couplets, dans le goût de Léo Delibes, publiée à Paris chez Durand et Schoenewerk. Comme ou peut s'y attendre de la part du Baron Paul Von Derwies, il y est question... de rose et d'amour !
Frontispice de "Questions à Dufour", B.N.F
"Qu'est-ce donc cela,
Qui si bien là,
Préside à toute pensée ?
Est-ce la gloire
Qui veut voir
Le monde tête baissée ?
Oh ! non, la cause
Est peu de chose.
Oh ! non, Dufour,
Crois-moi, pour voir la vie en rose
Il faut l'amour"
M. Von Derwies est un musicien, musicien consommé" écrit de lui le baron de Nervo en 1881. Année décisive où tout se précipite : les concerts, de plus en plus fréquents, et puis le coup de force du destin...
Le 8 mars 1881, le Grand-Duc Nicolas, frère du Tsar Alexandre II, est de passage à Nice. Von Derwies le convie à Valrose pour y fêter son anniversaire, lors d'une soirée réunissant tout le gotha russe de la Riviera. Illuminations et feux de Bengale couronnent cette splendide soirée de printemps qui sera le point culminant des fastes musicaux de Valrose.
Le 13 mars 1881, le Tsar Alexandre II est tué lors d'un attentat terroriste. Le 23 mars, un incendie ravage le Théâtre de Nice et fait des dizaines de victimes parmi les spectateurs et les artistes. Le 15 juin de la même année, la fille du Baron, Véra, s'éteint en Allemagne à l'âge de seize ans. Au retour de ses funérailles, le 17 juin, le Baron succombe à une attaque d'apoplexie. Les portes du Théâtre de Valrose se referment alors sur l'écho de ces "Regrets" que le Baron avait programmé en début d'année.
Par la suite, des festivités musicales sont épisodiquement programmées dans le Théâtre ou dans le Parc ( le 21 mai 1916, alors qu'il venait pour une représentation d'Aïda, le ténor Mérina défraie la chronique en succombant à une attaque). Au cours des "Années Folles", le milliardaire bolivien Simon Patino relance les réceptions mondaines mais n'organise aucun concert de prestige.
De nos jours, le Campus en Musique renoue avec les excellentes traditions musicales de Valrose. C'est ainsi que les étudiants et les personnels de l'Université sont conviés à des récitals, tel que celui du Choeur Universitaire, ou à des concerts organisés en partenariat avec l'Opéra de Nice.
Violon en écoinçon du plafond du Petit Salon
Petit Cupidon en écoinçon de plafond, Petit Château
Chronologie sommaire de la vie musicale à Valrose de 1872 à 1881 (d'après G. Favre et F. Gaziello )
- 1872 : formation d'un orchestre de 35 musiciens sous la direction de Haselmans, ex-directeur du Conservatoire de Strasbourg
- 11 février 1873 : programmation de la Symphonie en ut mineur de Beethoven
- 27 décembre 1873 : concert au bénéfice des Petites Soeurs des Pauvres (extraits d'oeuvres de Meyerbeer, Mendelssohn, Oberthur, Bach, Gounod, Weber, Boccherini)
- 28 janvier 1874 : programmation du Songe d'une nuit d'été, de l'Ouverture de Guillaume Tell, une Valse de Strauss, la Jota Aragonesa de Glinka
- 2 mars 1874 : concert de bienfaisance au profit des affamés de Samara
- 30 novembre 1874 : programmation de la 5ème Symphonie de Beethoven, extraits d'oeuvres de Liszt et Weber
- 1878 : agrandissement de la salle de concert de manière à pourvoir y interpréter des opéras
- 22 novembre 1878 : matinée musicale (Schiller-March de Meyerbeer, Ouverture de Tannhauser de Wagner, extraits de la 7ème Symphonie de Beethoven, de Samson et Dalila de Saint-Saëns, 2ème Polonaise de Liszt)
- 29 novembre 1878 : matinée musicale (Marche de la Reine de Saba de Gounod, Ouverture du Freischütz de Weber, La Jeunesse d'Hercule de Saint-Saëns, Le Mouvement perpétuel de Paganini)
- 6 décembre 1878 : concert avec Requiem romain de Bruch, Rêverie de Schumann, Karaminskaia de Glinka
- 26 décembre 1878 : inauguration solennelle de la salle d'opéra avec Philémon et Baucis et l'acte I du Faust de Gounod
- 5 janvier 1879 : première en France de La Vie pour le Tsar de Glinka (Sabinin et Wania sont respectivement interprétés par Nicolas Von Derwies et Dumbar Schultze)
- 18 janvier 1879 : soirée lyrique avec Lucie de Lamermoor et Philémon et Baucis. La cantatrice autrichienne Dumbar Schultze, mezzo-soprano, est engagée pour la saison
- 12 mars 1879 : concert avec la 5ème Symphonie de Beethoven
- 18 mars 1879 : programmation de Un Ballo in Maschera de Verdi
- 28 mars 1879 : dernière séance au profit des inondés de Hongrie avec Dunbar Schultze
- 3 avril 1879 : soirée d'opéra Extraits de La Contessa di Lascaris, opéra de Paul Von Derwies interprété par Dumbar Schultze ("mélancolique chant d'oiseau dans une nuit de mai" écrit R. d'Arènes)
- 19 avril 1879 : programmation de Lalla Roukh de Félicien David et de l'Hymne russe de Lwoff (en l'honneur d'Alexandre II qui vient d'échapper à un attentat) ; Serge Von Derwies interprète le Concerto pour piano de Mendelsohn
- 7 novembre 1879 : Von Derwies ramène son orchestre de Trevano
- 30 décembre 1879 : concert sous la direction de Muller Berghaus ( Ouverture de Rienzi, Symphonie de Mozart, Chant religieux de Mendelsohn, Rapsodie hongroise de Liszt)
- 30 janvier 1880 : soirée lyrique (extraits du Guillaume Tell de Rossini)
- 27 février 1880 : retour de Dumbar Schultz, qui interprète des extraits de Djamileh et des Pécheurs de perles de Georges Bizet
- 5 mars 1880 : représentation de Dolorès de l'Italien Anteri Manzocchi
- 10 avril 1880 : deuxième représentation au profit des aveugles de Russie
- 1er juin 1880 : concert sous la direction de Muller Berghaus (ouverture de Tanhauser, Largo de Haendel, Tarentelle de Paul Von Derwies)
- 11 juin 1880 : départ de Von Derwies, avec orchestre et troupe d'opéra, pour Trevano jusqu'en novembre. Le chef d'orchestre Müller Berghaus est remplacé par Hans Sitt (qui deviendra par la suite professeur au Conservatoire de Leipzig)
- 27 décembre 1880 : concert avec le pianiste Serge Planté et le violoncelliste Servais (ouverture d'Eléonore, Concerto de Haydn, Romances de Glinka)
- 18 janvier 1881 : représentation du Rigoletto de Verdi
- 21 janvier 1881 : récital avec deux pièces inédites de Paul Von Derwies (Tarentelle et Andante Religioso) ; un extrait de Rosamunde de Schubert ; l'ouverture de Geneviève de Schumann ; la 4ème Symphonie de Beethoven
- 28 janvier 1881 : récital ( partition inédite du Baron Les Regrets, Le Dernier Sommeil de la Vierge de Massenet, la Symphonie en ré majeur du Danois E. Lassen)
- 30 janvier 1881 : concert avec Les Cloches du Soir, Printemps d'amour et Tarentelle de Paul Von Derwies ; l'ouverture de La Vie pour le Tsar et Kamarinskaia de Glinka ; tableaux vivants interprétés par Serge et Véra Von Derwies, d'après Pouchkine et Gogol
- 4 mars 1881 : matinée d'orchestre avec Ambroise Thomas (ouverture de Mignon)
- 6 mars 1881 : récital (Lucia di Lamermoor de Donizetti, Roma de Bizet))
- 8 mars 1881 : soirée de gala en présence du Grand Duc Nicolas et de son fils Pierre (reprise de La Vie pour le Tsar de Glinka)
- 29 mars 1881 : matinée musicale en hommage au Tsar Alexandre II, assassiné le 13 mars (Marche funèbre de Paul Von Derwies, Largo de Haendel, Choral et Fugue de Bach, ouverture de La Vie pour le Tsar, Stabat Mater de Rossini)
- 5 avril 1881 : concert (Grande Polonaise de Chopin par Serge Von Derwies, Tarentelle de Raff)
- 8 avril 1881: concert (Symphonie en sol mineur de Mozart, Marche hongroise de Schubert, Songe d'une Nuit d'Eté de Mendelssohn, Scherzo de Paul Von Derwies)
- 19 juin 1881 : service funèbre en l'église russe à la mémoire du Baron Von Derwies et de sa fille Véra
Parc botanique
"... je te raconterai les plus beaux jardins que j'ai vus".
André Gide, Les Nourritures terrestres (1897)
Origines
Les nombreux oiseaux qui peuplent le Parc ne s'y trompent pas : en plein coeur urbain d'une agglomération de 350 000 habitants, Valrose constitue une véritable étape écologique. Les chercheurs du Laboratoire d'Environnement végétal terrestre de l'UNSA y ont répertorié 167 espèces arbustives et plusieurs centaines d'espèces herbacées.
En 1866, les dix hectares de "Vallon des Roses" achetés par le Baron Von Derwies sont alors plantés d'oliviers, de vignes et d'orangers. Quelques beaux oliviers sont préservés mais les vignes laissent place à un riche agencement paysager.
Le Parc est en effet la résultante d'une savante articulation de plusieurs jardins, destinés à surprendre le regard tout en conciliant la juxtaposition des espèces et des essences. Palmeraie, jardins à la française et à l'anglaise, roseraie, plantations exotiques et forestières... L'éclectisme de la fin du XIXème siècle règne sur Valrose et en fait un Parc "daté".
Oliveraie vue de la BU
Le goût pour une végétation sombre et touffue prédomine, mais avec une triple propension : classicisme avec les réminiscences versaillaises des parterres, vases, bassins, statues et volées d'escaliers symétriques ; exotisme orientalisant avec le kiosque émergeant des plantes grasses et des palmiers ; romantisme avec les fausses ruines surgissant de la verdure, les sentiers ombragés et les points de vue choisis. Cette alliance réussie des trois styles est due à Joseph Carlès, qui oeuvra également pour les Jardins du Casino de Monte-Carlo.
Fausses ruines dans la verdure
Le goût pour une végétation sombre et touffue prédomine, mais avec une triple propension : classicisme avec les réminiscences versaillaises des parterres, vases, bassins, statues et volées d'escaliers symétriques ; exotisme orientalisant avec le kiosque émergeant des plantes grasses et des palmiers ; romantisme avec les fausses ruines surgissant de la verdure, les sentiers ombragés et les points de vue choisis. Cette alliance réussie des trois styles est due à Joseph Carlès, également maître d'oeuvre des Jardins du Casino de Monte-Carlo.
De 1869 à 1913, Carlès est régisseur de Valrose, assisté de Waldimir Fabrikant (qui lui succèdera) et d'une centaine de jardiniers... Il ne fallait probablement rien de moins pour veiller sur un gazon nécessitant 7 000 kg de graines par an ! Pour rassembler les plus belles espèces méditerranéennes, Carlès se rend à Bordighera, Florence, Gênes et commande des plantes exotiques en Afrique, dont certaines sont destinées au jardin d'hiver, constamment chauffé à 21 °. Les roses ? Carlès en plante "partout, de toutes les espèces connues, certains rosiers atteignent dix mètres de hauteur" ! OEillets, héliotropes, glycines, marguerites, camélias côtoient, entre autres, eucalyptus, magnolias, palmiers, agaves, citronniers, cerisiers, orangers, micocouliers, cèdres et sapins... Avec sa massive silhouette nordique, le Château se détache donc sur une végétation dense et persistante, où le pin noir d'Autriche voisine avec le cèdre de l'Atlas et le palmier des Canaries. Raffinement extrême du Baron, qui a choisi une étoile pour emblème, le Château est bâti dans l'axe de l'étoile de Vénus, qui est non seulement la déesse de l'Amour et de la Beauté, mais aussi la déesse italique des Jardins...
Etat actuel
Si l'aspect des jardins se modifie sensiblement à la suite de la période d'abandon des années 1940 - 1960 et de la transformation du parc privé en campus universitaire, un effort de préservation est cependant maintenu. Dès l'installation de l'Université de Nice, en 1965, une opération de réhabilitation est menée par deux botanistes, Melle Bulard et M. Allier, sous l'égide de M. Baptiste, architecte. Débroussaillage, restructuration, plantation d'essences nouvelles ont lieu durant deux ans. Trente ans plus tard, une nouvelle opération de réhabilitation est proposées par M. Allier, alors Directeur du Laboratoire d'Environnement végétal terrestre et auteur d'une plaquette illustrée sur "Les arbres du Parc Valrose" (1996). L'objectif est désormais d'enrayer l'appauvrissement ou disparition des espèces rares ainsi que la prolifération des espèces banales. Objectif toujours d'actualité pour un parc classé Monument Historique et dont le patrimoine botanique, au même titre que le patrimoine architectural, requiert des soins constants et d'importants investissements.
Plantes exotiques
au pied des fausses ruines
Ginkgo biloba
en automne
Malgré quelques vicissitudes, la végétation de Valrose demeure néanmoins l'une des plus variées des parcs de toute la Côte d'Azur et regroupe harmonieusement les apports méditerranéens, tout comme ceux d'Europe centrale et orientale (venus même de Sibérie avec la Bergenia crassifolia). Parmi les spécimens les plus remarquables, on peut citer :
- un exceptionnel Yucca australis à l'Ouest du Château (sous la fenêtre de l'ancien Bureau du Baron)
- un Cyca revoluta de très grande taille près du Bâtiment de Chimie
- un superbe Ginkgo biloba femelle en contre-bas du Château, au spectaculaire feuillage doré en automne
- un cyprès du Tassili, espèce en voie de disparition, près du Petit Château
Plus accessoires mais très décoratifs en période de floraison :
- une somptueuse glycine en contre-bas du Château
- deux beaux rosiers anciens qui ont subsisté : côté Ouest du Château (en arrière du Yucca) et à gauche de l'escalier d'accès à la terrasse
- un Jacaranda ovalifolia à l'abondante floraison mauve (près du Bâtiment TP de Chimie).
Liste des principaux arbres du Parc Valrose
(cités d'après l'ouvrage de Claude Allier)
1 - Ginkio biloba (ginkgo, dit arbre aux 40 écus, au somptueux feuillage automnal
doré - originaire de Chine)
2 - Cycas revoluta (originaire du Japon, exemplaire de taille exceptionnelle près du
bâtiment de Chimie)
3 - Araucaria bidwilii (originaire d'Amérique du Sud)
4 - Pinus canariensis (Pin des Canaries)
5 - Pinus halepensis (Pin d'Alep)
6 - Pinus laricio / Pin noir d'Autriche / Pin de Corse
7 - Pinus pinea (pin pignon, pin parasol, originaire de Crète)
8 - Cedrus libani (cèdre du Liban ) / Cèdre de l'Atlas / de l'Himalaya / de Chypre
9 - Abies pinsapo (sapin d'Espagne)
10 - Cupressus sempervirens (cyprès) / cyprès de Lambert / du Portugal / cyprès
du Tassili (très rare)
11 - Taxus baccata (if)
12 - Magnolia grandiflora (dédié à Magnol, Dr du Jardin Botanique de Montpellier)
13 - Cocculus laurifolius (originaire d'Inde)
14 - Laurus baccata (laurier noble ou laurier sauce)
15 - Persea indica (avocatier)
16 - Quercus ilex (chêne vert)
17 - Quercus pubescens (chêne pubescent, chêne blanc, rouvre)
18 - Ostrya carpinifolia (charme houblon)
19 - Corylus avellana (noisetier, coudrier)
20 - Betula verrucosa (bouleau verruqueux)
21 - Casuarina equisetifolia (filao, originaire d'Australie)
22 - Celtis australis (micocoulier)
23 - Ceratonia siliqua (caroubier)
24 - Robinia pseudacacia (robinier, appelé improprement " acacia ", carouge)
25 - Cercis silicastrum (arbre de Judée, aux fleurs lilas intense ; Judas se pendit à cet arbre, dit-on)
26 - Albizzia julibrissin (acacia de Constantinople, arbre de soie)
Albizzia lophanta (originaire d'Australie, introduit en 1803)
27 - Wistaria sinensis (glycine, très prisée en Chine et au Japon)
28 - Acacia dealbata (mimosa des fleuristes)
Acacia retinoides (mimosa résineux)
29 - Prunus cerasifera pissardii (prunier Myrobolan)
30 - Prunus laurocerasus (laurier-cerise)
31 - Sorbus domestica (sorbier-cormier)
32 - Erybotrya japonica (néflier du Japon)
33 - Acer oblongum (érable à feuilles oblongues)
34 - Eucalyptus globulus (eucalyptus)
35 - Brachychiton populneum (peuplier d'Australie)
36 - Olea europaea (olivier)
37 - Fraxinus ornus (frêne à fleurs)
38 - Platanus acerifolia (platane)
39 - Aesculus hippocastanum (marronnier d'Inde)
40 - Ailantus gladulosa (vernis du Japon)
41 - Ficus carica (figuier)
42 - Yucca australis (yucca, originaire d'Amérique centrale)
43 - Phoenix canariensis (palmier des Canaries)
44 - Phoenix dactylifera (palmier dattier)
45 - Trachycarpus excelsa (palmier originaire d'Asie centrale)
46 - Washingtonia filifera (palmier dédié à Georges Washington, originaire d'Amérique du Nord)
47 - Chamaerops humilis (palmier éventail)
Pérennité
"Nul ne se promène impunément sous les palmes".
André Gide (d'après Les Affinités électives de Goethe)
Valrose, lieu inspiré et lieu d'inspiration ? Par son allure romantique, sa photogénie, ses aspects scéniques, Valrose se prête à l'inspiration des peintres, aquarellistes, photographes, poètes, romanciers, musiciens, cinéastes... mais qu'en est-il advenu ?
Iconographie
Aucun tableau des années 1860 - 1940 représentant Valrose n'a jusqu'à présent été localisé. Aucune liasse d'archives familiales et aucun album de photos de la famille Von Derwies n'a encore été répertorié. Seules traces visuelles connues, des cartes postales anciennes, dont certaines sont reproduites dans l'ouvrage de Didier Gayraud (Demeures d'Azur, Ed. du Cabri, 1998) et un lot de photographies dues à Jean Gilletta, conservées partiellement aux Archives Nationales.
Les services techniques de l'Université de Nice (STIC) et le Service Départemental d'Architecture (SDA) ont initialement conservé quelques plans, élévations et croquis du Château, dont certains figurent dans la publication de Paul Castela et Michel Steve (Le Château de Valrose, 1986), et transférés par la suite aux Archives Départementales des Alpes-Maritimes.
Si les portraits des Baronnes Von Derwies figurent en bonne place au Musée des Beaux-Arts de Nice grâce au legs de Barbe Von Derwies en 1943, le visage du Baron n'est connu que par de rares photographies, dont l'une d'entre elles est reproduite dans un article de journal (Dossiers de la Bibliothèque du Chevalier de Cessole). Un portrait conventionnel dû à Nélie Jaquemart s'en inspire.
Les catalogues de vente de la Collection Serge Von Derwies, publiés en 1904 et 1906 par la fameuse Galerie Georges Petit de Paris (Bibliothèque Forney), comportent des reproductions de tableaux mais sans rapport direct avec Valrose. Tout au plus peut-on en déduire que plusieurs d'entre eux (signés de petits maîtres : Rosa Bonheur, Diaz de la Pena, Emile Troyon) ornaient les murs du Château.
Kiosque sur le Lac
Bibliographie
Parmi les chroniqueurs et historiens locaux, Georges Favre a laissé un ouvrage détaillé s'appuyant sur une abondante compilation d'articles de presse : Un haut-lieu musical niçois au XIXème siècle : La Villa Valrose, 1870 - 1881 (1977). La monographie de P. Castela et M. Steve, Le Château de Valrose (1986), est jusqu'à présent le seule du genre. Elle a été complétée récemment par une synthèse de Luc Thévenon, dans un chapitre où il est notamment question du Château de Trevano (Les Folies de Nice, Serre, 1999).
Chercheurs et curieux de Valrose trouveront une bibliographie commentée sur le site web de la Bibliothèque Universitaire section Sciences (Campus Valrose) :
http://www.unice.fr/BU/formationsDL/val11accueil.html rubrique Documentation Valrose.
Fortune littéraire
De son séjour à Nice entre 1900 et 1906, Jean Lorrain (1855 - 1906) a retiré une inspiration ambivalente, qui transparaît dans ses nouvelles et romans évoquant la Riviera déliquescente de la Belle Epoque (L' Ecole des vieilles femmes, Le Poison de la Riviera) :
"A part cela le pays est divin ; il le serait peut-être moins sans cela"...
Par un curieux jeu de pseudonymes, on retrouve les noms de Lorrain et de Valrose accolés dans plusieurs oeuvres littéraires et pièces de théâtre des années 1920 - 1930, co - signées : Jacques Le Lorrain et Eglantine de Valrose... Mais la postérité n'en a rien retenu !
Plus prestigieuse est l'évocation précise de Valrose dans le roman très célèbre de Maria May Alcott (1832 - 1881) : Les Quatre filles du Docteur March (Little Women, 1869), qui demeure un classique de la littérature pour la jeunesse après avoir connu un pic de renommée dans les années 1950, grâce à des adaptations cinématographiques. Dans une action située vers 1865, deux personnages s'arrêtent sur la terrasse belvédère :
Façade Nord
du Château, détail
"Valrose méritait bien son nom car sous ce climat de perpétuel été les roses fleurissaient partout. Elles grimpaient à la grande arche, se glissaient entre les barreaux de l'immense porte pour souhaiter aux passants un bonjour embaumé, elles bordaient l'avenue et serpentaient entre les citronniers et les palmiers légers jusqu'à la villa au sommet de la colline. Tous les recoins ombreux, où des bancs invitaient au repos, étaient des havres fleuris, chaque grotte fraîche avait sa nymphe de marbre souriant parmi les fleurs et chaque fontaine reflétait des roses cramoisies, blanches ou rose pâle, penchées comme pour sourire de leur propre beauté. Des roses recouvraient les murs de la maison, drapaient les corniches, grimpaient aux colonnes et débordaient des balustres de la large terrasse d'où l'on contemplait la Méditerranée ensoleillée et la blanche cité sur ses bords.
- C'est un véritable paradis de lune de miel, n'est-ce pas ? As-tu jamais vu tant de roses ? demanda Amy en s'arrêtant sur la terrasse..."
Henri Bordeaux (1870 - 1960), romancier célèbre de l'entre-deux guerres, a laissé une évocation plus générale dans Le Calvaire de Cimiez (1937) mais qui s'appliquerait aisément au Parc de Valrose :
"C'était une matinée ineffable sur la colline de Cimiez... Les fleurs chantaient comme des oiseaux, le chant des oiseaux fleurissait dans le jardin".
Plus récemment, la romancière Susie Morgenstern, née en 1945 dans le New - Jersey et mariée à un mathématicien, a profité des agréments du Parc en habitant une villa située à proximité de la sortie Cimiez. Elle est l'auteur de best-sellers pour la jeunesse (tels que Le Vampire du CDI, 1997).
Une autre romancière à succès l'a précédée en profitant des frondaisons
de Valrose; il s'agit de Mathilde Monnier, dite Thyde Monnier (1887 -1967), écrivain, poète et peintre de culture provençale, auteur de La Saga des Desmichels, famille paysanne de Provence, dont fait partie Nans le Berger (adapté pour la télévision dans les années 1970). Cette amie de Jean Giono a laissé son nom à un Prix de la Société des Gens de Lettres.
Serge et Véra Von Derwies par Trabucco
Filmographie
La photogénie du Château et du Parc sous la belle lumière de la Côte d'Azur ne peut qu'attirer les cinéastes à la recherche de décors naturels... C'est, non pas un film en costumes comme on pourrait s'y attendre, mais une comédie de moeurs contemporaine qui a été tournée à Valrose en 1998 : Bimboland d'Ariel Zeitoun, avec Gérard Depardieu, Judith Godrèche, Sophie Forte, Aure Atika (pour les besoins d'une thèse, une ethnologue infiltre un groupe de "Bimbos", amazones urbaines aux moeurs tapageuses, et s'identifie à elles).
Mais tout promeneur qui découvre Valrose pour la première fois pense à autre chose qu'à la tribu "Bimbos", s'il a lu Le Tour d'Ecrou (1898) d'Henri James. Il ne peut que rester dubitatif, d'abord face au Lac, ensuite face au groupe sculpté de Serge et Véra Von Derwies enfants - et musiciens :
"Nous étions au bord du Lac et, comme nous avions récemment commencé l'étude de la géographie, ce lac était la mer d'Azov [...]. Les vieux arbres, les plantations serrées, dispensaient une ombre agréable et étendue [...]. Nous vivions dans un nuage de musique, d'affection, de réussites et de représentations privées. Les deux enfants avaient un sens musical aigu [...]".
Henri James serait-il venu à Valrose ? Rien ne l'atteste. Pourtant, Valrose est le décor idéal du Tour d'Ecrou. Et si aucune adaptation filmée n'y a encore été tournée, elle reste à faire...
Manifestations culturelles
Depuis ces dernières années, l'Université renoue avec le passé musical de Valrose en organisant des concerts et récitals en partenariat avec l'Opéra de Nice et le Choeur Universitaire, dans le cadre du "Campus en musique". Ces spectacles, offerts périodiquement aux étudiants et personnels, sont l'occasion de ressusciter la belle acoustique du Théâtre et les soirées de plein-air au pied du Château.
Marie-Adélaïde de Savoie en Diane
d'après Coysevox, détail
Ayant fait l'objet d'une vaste rénovation, la cage de scène du Théâtre permet de mettre en valeur non seulement un rare et superbe infrastructure en bois, mais aussi un beau volume d'exposition polyvalent. C'est ainsi qu'a été accueillie en avant-première une exposition multimédia d'Art Jonction 2001. En valorisant la musique et les arts à Valrose, l'Université de Nice pérennise une vocation culturelle initiée par le Baron Von Derwies.
Du XIXème au XXIème siècle
Depuis sa construction jusqu'en 1881, pendant onze années, Valrose a symbolisé un accomplissement : somptueuse demeure dans un parc de rêve, propriétaire fortuné, mécène et musicien coulant des jours heureux entre ses trois enfants, la musique, les chants et les sourires des divas, entre nuits étoilées et ciel bleu. "Ici, je crois au soleil, comme la plante y croît" aurait pu dire le Baron Von Derwies, à l'instar d'un autre promeneur inspiré par la Côte d'Azur - Nietzsche. Goût du pittoresque anecdotique et de l'artifice, avec création de grottes, ruines et rochers ? Esthétisme ostentatoire et peu exigeant avec juxtaposition des styles, floraison d'une statuaire presque uniquement composée de répliques ? Valrose appartient bien à son époque fin de siècle et constitue, par ses proportions, son parc et ses dépendances, un très rare exemple de "Château en ville".
Valrose, 1881 : les grilles du Parc sont scellées par la mort du Baron. Plusieurs dizaines d'années plus tard, Serge contemplera la propriété de l'extérieur, avant de retourner à vélo vers Cannes. La banqueroute et la révolution russe auront eu raison de la fortune Von Derwies. Autant en emporte les roses.
Valrose, 2001 : son histoire prend place sur Internet, pour témoigner d'un beau passé auquel se doit le présent.
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